Le projet Coenotur (Programme franco-allemand ANR/DFG) a été conduit par les universités de Tours (coord. Elisabeth Lorans) et de Hambourg (coord. Philippe Depreux), en lien étroit avec l’IRHT (section de musicologie et pôle numérique). Il porte sur les rapports entre les communautés religieuses de Tours revendiquant l’héritage de saint Martin (Marmoutier, la communauté fondée par lui, et Saint-Martin, celle rassemblée autour de sa sépulture) et sur leurs réseaux. Il inclut aussi l’étude de leurs rapports avec des établissements fondés dans leur mouvance (Saint-Julien, Cormery, Saint-Cosme et Beaumont-lès-Tours) et avec l’archevêque et le chapitre cathédral (Saint-Maurice), tant du point de vue institutionnel qu’en ce qui concerne les aspects sociaux, religieux, topographiques et architecturaux. Tout en prenant en compte la longue durée depuis l’Antiquité tardive, ce programme concerne surtout les VIIIe-XIIIe siècles et la production textuelle, liturgique et architecturale des deux communautés martiniennes de Tours et de leurs dépendances. Il a précisé leurs relations de synergie et de concurrence dans ces différents domaines, à travers une étude renouvelée des sources textuelles, narratives, diplomatiques ou liturgiques, et leur confrontation avec les données matérielles, quand elle était possible.
Le projet nécessitait le retour aux données de première main, en matière textuelle comme archéologique et architecturale. Sur le plan textuel, la production manuscrite de Tours à l’époque carolingienne a fait l’objet d’un nouvel inventaire portant sur 378 manuscrits dont l’enjeu principal était l’identification des lieux de production : un seul scriptorium (à Saint-Martin) ou deux (un autre à Marmoutier), une question soulevée de longue date à laquelle il n’est pas possible d’apporter de réponse, malgré les études paléographiques et les analyses d’encres réalisées. Cette absence de réponse en est une et l’on peut désormais considérer cette question comme close. La collecte documentaire a aussi porté sur les manuscrits liturgiques notés d’origine tourangelle, principalement des bréviaires, missels et sacramentaires réunis dans une base de données interopérable avec Cantus Index Database.
En outre, un travail de transcription, d’édition et de traduction a été entrepris pour les sources narratives des XIe-XIIIe siècles rédigées au sein des deux communautés martiniennes comme pour le coutumier de Marmoutier, en date du XIIe siècle, resté inédit malgré l’importance du monastère. Enfin, une partie des sources diplomatiques de Marmoutier des XIe-XIIe siècles a été analysée à l’aide de deux bases de données d’une part pour étudier les dignitaires du monastère et leurs déplacements en France de l’Ouest, d’autre part pour mieux cerner l’usage de chirographes, deux démarches qui éclairent les pratiques diplomatiques du monastère et les modalités de gestion de ses biens.
Sur le plan archéologique, la révision des données a porté sur les églises successives situées dans la partie centrale de l’enclos monastique, ce qui a permis d’identifier un édifice carolingien jusqu’ici attribué aux environs de l’an mil.
Le projet a donc mobilisé à la fois les compétences habituelles des historiens et des archéologues et les méthodes qui leur sont propres (paléographie, latin médiéval, édition scientifique, analyse stratigraphique et datation radiocarbone etc.), des compétences complémentaires en analyse des matériaux (analyses d’encres et de supports) et les outils développés par les humanités numériques (création de bases de données en ligne, numérisation de manuscrits, édition en ligne etc.). Ce programme a débouché sur des publications de différentes natures (articles, monographies, ouvrage collectif), quatre bases de données interopérables accessibles en ligne et des éditions numériques. Il a aussi contribué à l’enrichissement de Arca (Bibliothèque numérique de l'IRHT).