Le 26 mai 1944, l’incendie de la bibliothèque de Chartres anéantit son précieux fonds de manuscrits médiévaux. Depuis quinze ans, l’Institut de recherche et d’histoire des textes (CNRS), en collaboration étroite avec la médiathèque l’Apostrophe, s’attache à faire revivre cette collection. La numérisation, l’identification et la description de chaque manuscrit constituent la tâche primordiale de ce projet (https://www.manuscrits-de-chartres.fr). La conférence présente les recherches menées sur deux manuscrits enluminés provenant de la bibliothèque des chanoines de la cathédrale.
Le ms. 500 était un imposant recueil liturgique des vies de saints, composé entre 1136 et 1173 et illustré de manière exceptionnelle. La plupart de ses 55 initiales historiées comportaient des scènes narratives, dont Yves Delaporte avait noté le grand intérêt iconographique puisqu’elles renfermaient « une foule de documents curieux sur le costume, le mobilier, etc ». Elles comprenaient aussi des scènes hagiographiques rares à cette époque. Comme pour les vitraux, le choix des vies illustrées peut en partie être mis en relation avec les reliques conservées au trésor de la cathédrale. Censé avoir été détruit dans l’incendie de 1944 et dès lors connu seulement par quelques dessins et photos, le manuscrit peut aujourd’hui être mieux apprécié grâce aux nombreux fragments retrouvés, dont plusieurs enluminés, qui permettent d’insérer ce légendier dans la production chartraine du milieu du XIIe siècle.
Les livres de droit ont constitué un quart de la collection des manuscrits conservés à la bibliothèque capitulaire de Chartres avant la Révolution. Aucun n’était produit sur place. Donnés ou légués par des chanoines, les manuscrits juridiques ont suivi les parcours universitaires et les itinéraires professionnels de leurs possesseurs. La communication propose une enquête documentaire autour d’un manuscrit de l’Infortiatum (Chartres, BM, ms. 314), connu grâce aux photographies d’avant-guerre, à des mentions dans les sources et aux fragments récemment identifiés. Daté de 1309, ce manuscrit constitue le plus ancien témoin documenté du Maître du Liber Visionis Ezechielis, un enlumineur itinérant mais principalement actif à Avignon, dans l’entourage de la curia papale. L’arrivée du manuscrit à Chartres coïncide avec la hausse de la distribution par le pape, des prébendes chartraines aux clercs méridionaux et aux curialistes avignonnais.
Claudia Rabel est ingénieure de recherche à l’Institut de recherche et d’histoire des textes (CNRS), spécialiste de l’enluminure et de l’iconographie médiévales. Depuis 2009 elle dirige avec Dominique Poirel le projet de la « Renaissance virtuelle des manuscrits sinistrés de Chartres ».
Joanna Frońska est également ingénieure de recherche à l’IRHT où elle est responsable de la base des manuscrits enluminés INITIALE. Sa thèse de doctorat portait sur Fonctions et usages des images dans les manuscrits juridiques. Après avoir travaillé à la British Library et au Warburg Institute à Londres, elle a rejoint l’IRHT en 2014 où elle collabore au projet sur les manuscrits de Chartres.