
La prochaine réunion des Ymagiers aura lieu le lundi 21 octobre 2024, à 17 h 30, à l’Ecole du Louvre, amphithéâtre Goya. Elle pourra aussi être suivie à distance*. Nous aurons le plaisir d’écouter : Raphaël Guesuraga «Les quatre Animaux du tétramorphe et l'hypothèse socio-ecclésiale».
Motif bien connu de l'iconographie médiévale, le tétramorphe est constitué de quatre créatures souvent désignées comme des Vivants qui se répartissent autour de la mandorle du Christ ou de l'Agneau. Il s'agit d'un homme, d'un lion, d'un bœuf et d'un aigle. La signification de ces créatures ne présenterait normalement pas de difficultés dans la mesure où l'exégèse et les inscriptions ne cessent de rappeler qu'il s'agit des quatre évangélistes.
La façon de nommer ces créatures pose pourtant question. On parle de quatre Vivants alors que l'expression quatuor animalia systématiquement utilisée dans les textes désigne quatre animaux et non pas quatre êtres vivants. Si cette mise au point lexicale est exacte, s'il s'agit bien de quatre animaux, comment se fait-il qu'ils aient l'incommensurable privilège d'être au plus près du divin alors que cette place reviendrait de droit aux séraphins et aux chérubins, sinon aux archanges et aux anges ? Pourquoi, pour reprendre les définitions d'Alcuin, des créatures mortelles et irrationnelles (les animaux) prendraient ainsi l'ascendant sur des créatures immortelles et rationnelles (les anges) ?
Le succès de cette iconographie est indéniable : le Christ entouré des quatre Animaux se retrouve sur de nombreuses églises romanes et de multiples enluminures, tous siècles confondus. Double injonction donc, volonté de représenter et en même temps incongruité de ce qui est représenté. Ce paradoxe des animaux célestes conduit à repenser le motif. On avance ici l'hypothèse, à partir d'une enquête sérielle qui couvre l'ensemble de la période médiévale, que ce rapprochement incongru au cœur du système chrétien d'éléments exogènes à celui-ci pourrait répondre à la nécessité pour l'institution ecclésiale de tenir un discours sur la société, d'énoncer un projet politique global. Ces quatre Animaux exclusifs les uns des autres, à la fois complémentaires et hiérarchisés, pourraient être une image de l'Église céleste, double idéal de l'Église terrestre, chaque Animal renvoyant à une catégorie sociale particulière. La caution évangélique, même si elle est sans cesse rappelée, ou justement parce qu'elle est trop strictement rappelée, ne viendrait que conforter cette hypothèse socio-ecclésiale.
Raphaël Guesuraga a soutenu sa thèse de doctorat en 2001 intitulée Le thème de la dévoration dans la sculpture romane de France et d'Espagne. Étude iconographique, enjeux politiques, aspects eschatologiques. Il a publié plusieurs articles sur l'iconographie romane, dont «Figurer l'hérésie simoniaque et la fornication cléricale. Le programme grégorien de la Porte des Comtes à Toulouse» (2022). Une première version du sujet de la conférence a été publiée en 2023 dans Románico. El lenguaje de las piedras vivas, dir. M. Agudo Villanueva.
- *Merci de vous inscrire auprès de Claudia.Rabel@cnrs-orleans.fr au plus tard le vendredi 18 octobre 2024, 18h, et de préciser si vous souhaitez assister à la séance à distance (communication du lien de connexion).
INFORMATIONS PRATIQUES
École du Louvre
Amphithéâtre Goya
Palais du Louvre, Place du Carrousel, Porte Jaujard, 75001 Paris