
La prochaine réunion des Ymagiers aura lieu le lundi 7 avril 2025, à 17 h 30, à l’Ecole du Louvre, amphithéâtre Goya. Elle pourra aussi être suivie à distance*. Nous aurons le plaisir d’écouter Pierre-Olivier Dittmar et Maud Pérez-Simon, «Les Monstres des hommes».
Le premier catalogue de peuples monstrueux rédigé en ancien français date de la fin du XIIIe siècle : Amazones, enfants vieillards, hommes aux pieds à l’envers, femmes à dents de chien... Chacune des 42 notices est accompagnée d’une miniature, dans le manuscrit Paris, BnF, français 15106.
L’auteur s’inspire de prédécesseurs latins de l’Antiquité comme Pline et d’encyclopédies récentes comme celle de Thomas de Cantimpré, qu’il traduit, en y ajoutant un propos politique et social de son cru. Longtemps compris comme une preuve de la xénophobie médiévale puisque l’introduction oppose les peuples d’Orient, sales, adultérins, sauvages, aux peuples d’Occident civilisés, courtois et beaux, l’ouvrage opère un retournement des plus habiles en montrant que les vrais monstres ne sont pas ceux que l’on croit. Les vrais monstres sont parmi nous, et ils sont pires que les monstres orientaux. Le seigneur dépasse les cannibales en cruauté car il «mange» ses paysans vivants en les pressurant d’impôts. Le texte nous emporte par sa verve qui fait jouer les rythmes, les sonorités et les jeux de mots de façon étourdissante, qui n’est pas sans rappeler les performances de la poésie sonore du XXe siècle.
Les Monstres des hommes est un titre surprenant. Pourtant nous avons tenu à le garder car il reflète bien le retournement essentiel proposé par le texte. Parle-t-on des monstres qui se trouvent parmi les hommes, ou du fait que tous les hommes sont des monstres ? L’auteur, qui a eu la sagesse de rester anonyme, dénonce ses contemporains avec une virulence hors norme : il décrit leurs agissements malhonnêtes, les interpelle, les menace des enfers. Il se moque du jeune noble bien peigné qui se croit meilleur que les autres et de l’hypocrisie qui règne à la cour du pape.
L’iconographie hérite de la tradition d’illustration des monstres depuis l’Antiquité mais l’auteur se l’approprie. Le lien texte-image est voulu et annoncé. Certaines images contribuent à normaliser le texte du manuscrit, tandis que d’autres participent à la dénonciation des puissants.
Pierre-Olivier Dittmar est historien, maître de conférences à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales où il occupe la chaire d’histoire et d’anthropologie du Vivant (XIIe-XVIe siècle). Ses travaux portent sur les interfaces avec les non-humains au cours d’un long Moyen Age, qu’il s’agisse des animaux, des invisibles, ou des artefacts. Il a notamment co-écrit Image et transgression au Moyen Âge (2008), Adam et l'astragale. Essais d'anthropologie et d'histoire sur les limites de l'humain (2009), Le monde roman par-delà le bien et le mal (2012) et Les images dans l’occident médiéval (Brepols 2015).
Maud Pérez-Simon est maîtresse de conférences en littérature médiévale à l’université Sorbonne Nouvelle. Ses recherches portent sur le lien texte-image dans les manuscrits médiévaux et, plus récemment, sur les plafonds peints, projet pour lequel elle a été nommée à l’Institut Universitaire de France. Elle a publié Mise en roman, mise en image, les manuscrits du ‘Roman d’Alexandre’ (2015). Elle a co-dirigé avec Sandrine Hériché-Pradeau deux ouvrages sur le lien texte-image : Quand l’image relit le texte (2013) et Inscriptions, une matière en toutes lettres (2023). À l’université Sorbonne Nouvelle, elle est aussi directrice de la Cité des Écritures.
Pierre-Olivier Dittmar et Maud Pérez Simon ont traduit et édité Les Monstres des hommes (2024). Ils préparent actuellement, en partenariat avec la RCPPM (Association internationale de Recherche sur les Charpentes et les Plafonds peints du Moyen Âge) et l’abbaye médiévale de Lagrasse une exposition et un colloque intitulés «Monstres & Chimères», portant sur l’iconographie des plafonds peints.
*Merci de vous inscrire auprès de Claudia.Rabel@cnrs-orleans.fr au plus tard le vendredi 4 avril 2025, 18h, et de préciser si vous souhaitez assister à la séance à distance (communication du lien de connexion).
INFORMATIONS PRATIQUES
École du Louvre
Amphithéâtre Goya
Palais du Louvre, Place du Carrousel, Porte Jaujard, 75001 Paris