Le renouveau culturel carolingien confère au livre une place majeure dans la société, qui perdure dans le monde ottonien. Sa production est suffisamment abondante pour que près de 9 000 manuscrits de cette époque nous soient parvenus, et le soin apporté à la qualité de leur confection est remarquable. Les manuscrits, précieux ou non, corrigés, glosés, comparés, échangés, servent à l’action, politique ou judiciaire, à la spiritualité, à la réforme religieuse, au développement de l’« humanisme » carolingien. Dans la société et la culture chrétiennes, l’objet-livre revêt un caractère précieux et somptuaire, comme en témoignent sa place de choix au sein des trésors d’église et sa haute valeur monétaire. Il est l’incarnation à la fois de l’autorité sacrée, du pouvoir et du savoir ; investi d’une forte dimension symbolique, il peut aussi être source de conflits et victime de destructions. Polymorphe, il intervient dans de multiples situations : il peut être tour à tour exhibé sous l’aspect d’un rouleau, d’un codex ouvert ou fermé, mangé, foulé aux pieds, dissimulé, utilisé pour prêter des serments…
À la fois contenant et contenu, objet et parole, le livre est aussi imaginaire et imaginé. L’enquête collective envisagée ici dépasse la dimension archétypale du livre pour cerner, à travers une approche pluridisciplinaire combinant l’histoire