Dans le cadre du cycle d’ateliers «La divination du manuscrit à l’imprimé : une histoire des textes de divination et pronostication» organisé par le Pôle Sciences du Quadrivium / Musicologie de l'IRHT et le laboratoire POLEN (POuvoirs, LEttres, Normes) de l'université d'Orléans, un appel à communication est lancé pour l'organisation d'une journée d'étude sur le thème Pratiques divinatoires et corps humain au Moyen Âge (Orient-Occident) à l'automne 2024.
La divination se définit comme l’« art de deviner, de découvrir ce qui est ignoré ou caché en sortant des voies ordinaires de la connaissance par le recours à des procédés occultes, à des pratiques magiques ; en partic., art de prédire les événements futurs » (https://www.cnrtl.fr/definition/divination). Le terme recoupe néanmoins une multitude de pratiques et des disciplines diverses. Ainsi, il existe une myriade de termes ayant pour suffixe -mancie afin de désigner les innombrables procédés pour obtenir ces connaissances. Le terme de « divination » est lui-même souvent trompeur car il ne correspond pas nécessairement aux catégories émiques, a fortiori dans les sociétés médiévales du pourtour méditerranéen. Par exemple, dans le cas de la langue arabe, le terme de kihāna est généralement traduit par « divination » au sens le plus général. Selon les époques et les sources, il peut avoir un sens très général, mais, à l’époque prémoderne, le terme a le plus souvent un sens plus restreint d’art du « prêtre-devin » (kāhin) dans la société antéislamique ou peut désigner une forme de divination inspirée par les djinns. À l’inverse, la géomancie (ʿilm al- raml) n’est généralement pas considérée comme une forme de kihāna. Si la kihāna peut susciter l’opprobre, la géomancie trouve sa légitimation dans sa révélation supposée à d’anciens prophètes (Idrīs, Daniel). La divination interroge donc les catégories épistémologiques des sociétés. L’ensemble des disciplines et techniques que nous pourrions qualifier de divinatoires touche d’ailleurs à de nombreux domaines scientifiques, comme l’astronomie/astrologie, la médecine (notamment pour l’établissement de diagnostiques), la météorologie, etc. La circulation de ces savoirs dans les cours ou les sphères du pouvoir, dont attestent par exemple certaines bibliothèques à l’instar de la fameuse « librairie » des rois de France Charles V et Charles VI, leur donnent aussi une dimension politique, dont témoignent d’une autre manière les écrits contre la divination.
De manière générale, la divination a donné lieu à une production écrite abondante, aussi bien en Orient qu’en Occident. Pourtant, malgré le nombre de manuscrits qui y sont consacrés tout ou partie et qui nous soient parvenus, il y a encore relativement peu d’éditions critiques et de traductions comparativement à la masse documentaire à disposition. Cela peut être dû au fait que ces disciplines n’ont longtemps que peu retenu l’attention de la recherche (les domaines des sciences occultes ayant longtemps été traités comme marginaux, avec une forme de mépris les considérant comme relevant de croyances irrationnelles et superstitieuses), mais aussi au fait qu’il s’agit d’une littérature somme toute technique qui n’est pas toujours aisément accessible au chercheur : même s’il maîtrise la langue du manuscrit, ce dernier peut se trouver démuni face au vocabulaire spécifique à la discipline. Cette production manuscrite a également largement circulé et fait l’objet de traductions et d’adaptations d’une langue à l’autre, d’un contexte culturel à un autre. Par exemple, des traités de géomancie arabe (à distinguer de la géomancie chinoise) ont été traduits en latin dès le XIIe siècle et une riche tradition latine s’est ainsi développée ; ils ont fait également l’objet de traductions en grec dans l’empire byzantin. Circulent encore des traités de cet art en judéo-arabe et en hébreu.
Outre sa dimension politique, la divination est également un important témoin des attentes, enjeux et représentations des sociétés.
- Les langues de travail de ces journées d’études sont le français et l’anglais.
- Les communications de ces journées d’étude feront l’objet d’une publication, en anglais, soumise à évaluation, dans l’International Journal of Divination and Prognostication (publié par Brill).
- Pour toute proposition de communication (titre et résumé) sur le thème proposé pour la première journée, vous pouvez contacter : Jean-Charles Coulon (jean-charles.coulon@irht.cnrs.fr) ; ou Julien Véronèse (julien.veronese@univ-orleans.fr).
- Date limite du retour des propositions : 15 décembre 2023.