Robert d’Artois (1248-1302), neveu de saint Louis, a fait au moins deux séjours en Italie méridionale, dont il fut le quasi-souverain pendant près d’une dizaine d’années, entre 1282 et 1291. Chef de guerre, administrateur, son action a donné lieu à la production d’une abondante documentation dont quelques témoins ont été conservés au sein de ses archives personnelles. Peu connues des spécialistes, les vingt-six pièces éditées et commentées relèvent pour l’essentiel du domaine judiciaire – le procès d’Adenolfo d’Aquino, comte d’Acerra, en 1286) – et du domaine économique. La plus importante est assurément le cahier de reddition des comptes des massarie du comte d’Artois établi en 1300, qui met en lumière les détails de la gestion des exploitations confiées à Robert II pour sa rémunération ou plutôt pour l’apurement de la dette contractée envers lui par la monarchie sicilienne, et dont il bénéficia jusqu’à son décès. La nature de la production – principalement céréales et élevage de chevaux – et son extension géographique, les équipements agricoles, la description de l’actif et du passif, de la main-d’œuvre et son coût, le comportement face aux aléas épidémiques sont autant d’éléments sur lesquels le Quaternus rationum livre de précieuses informations, dont la présente édition permet l’étude critique. Il ne s’agit pas seulement de lever le voile sur un pan de l’économie apulienne de la fin du XIIIe siècle, mais aussi de mesurer l’apport des institutions angevines sur l’administration seigneuriale en Artois, dont Robert appliqua les usages à son retour dans le royaume de France.
L’ouvrage est augmenté d’un itinéraire de Robert II dans le royaume de Sicile et d’une prosopographie des quelque 80 personnages cités dans les documents
Jean-Marie MARTIN (1938-2021), directeur de recherche au CNRS, fut l’un des plus grands spécialistes de l’histoire de l’Italie méridionale au Moyen Âge. Outre son maître ouvrage sur la Pouille entre VIe et XIIe siècle, publié en 1993 par l’École française de Rome, il a publié plusieurs centaines d’articles et livré de très nombreuses éditions critiques de sources documentaires, depuis les chartes de la cathédrale de Troia jusqu’au cartulaire-chronique de Sainte-Sophie de Bénévent et au Registre de Pierre Diacre. On lui doit aussi une grande enquête collective sur l’héritage byzantin dans l’Italie médiévale, qui a donné lieu à plusieurs volumes.
Amedeo FENIELLO est professeur associé d’histoire médiévale et d’histoire de l’Italie méridionale à l’Université de L’Aquila. Il a été, entre autres, directeur d’études invité à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris et Fulbright Italian Distinguished Chair à la Northwestern University, Evanston, Chicago (USA). Spécialiste de l’histoire économique et sociale de Naples et de l’Italie du Sud, il a publié de nombreux ouvrages, dont Les campagnes napolitaines à la fin du Moyen Âge. Mutations d’un paysage rural, Rome, École française de Rome, 2005 et Naples 1343. Aux origines médiévales d'un système criminel (Paris, Seuil, 2019).