Étudier les rapports entre un texte et ses gloses, c’est plonger au cœur même de la pensée médiévale. Cela est en particulier vrai pour la grammaire : les sommes grammaticales versifiées qui paraissent au début du xiiie siècle, Doctrinale d’Alexandre de Villedieu et Graecismus d’Évrard de Béthune, incitent à la rédaction de gloses chargées d’éclairer le sens de ces textes, de justifier leur existence et leur statut par rapport aux grammaires antiques, et de les actualiser.
Après un point complet sur ce que l’on peut savoir du Graecismus et de son auteur, on trouvera ici une étude de la tradition des gloses qui l’accompagnent du xiiie au xve siècle. Cette étude a été menée à partir d’un corpus de manuscrits provenant d’une aire géographique couvrant l’ensemble de l’Europe. Elle permet de rendre compte de toute une pluralité de contenus et d’usages et de se faire une idée plus précise de ce qu’est une glose.
La principale caractéristique d’une glose est sa fluidité, qui pose à l’historien des problèmes de recension et d’autorité. Ce texte mouvant a-t-il encore une unité ? On a choisi ici d’employer le mot « glose » au pluriel : différentes traditions peuvent être identifiées, une véritable stratification reconstituée. Cette stratification est visible aussi bien dans la forme matérielle (glose interlinéaire, marginale ou intercalaire, paraphrase ou commentaire par questions) que dans le contenu doctrinal. On verra dans cet ouvrage à quel point la forme et le fond sont liés dans le cas de ces gloses médiévales, et que l’histoire des textes voire l’histoire des idées ne saurait en ce domaine faire l’économie de celle des manuscrits.
De même, l’étude des textes et des manuscrits éclaire les pratiques de l’enseignement médiéval. Les glosateurs, anciens étudiants des Facultés des Arts, apparaissent ainsi comme des médiateurs qui diffusent dans les écoles de grammaire les acquisitions les plus récentes de la grammaire spéculative élaborée à l’Université.