Pour la totalité des savants médiévaux, les sphères et astres causent de multiples phénomènes terrestres, des événements météorologiques jusqu’aux changements dans le corps humain. Mais qu’en disent les théologiens ? Ce livre propose la première reconstitution de la théorie de l’influence céleste à partir d’une analyse exhaustive du corpus des commentaires des Sentences (v. 1220-v. 1340). Non seulement ces auteurs adhèrent à la doctrine de la causalité céleste, mais aussi ils prônent une approche originale. D’une part, ils traitent de l’influence « ordinaire », celle des corps supérieurs connus des astronomes : son étendue, ses mécanismes, ses limites. D’autre part, ils dépeignent une influence « hors normes », celle des sphères, des planètes et des étoiles dont l’existence est postulée par la foi chrétienne : le ciel empyrée, demeure des bienheureux, ou les corps célestes métamorphosés par l’Apocalypse. Dotés, à première vue, de propriétés contraires à l’ordre naturel, ces cieux sont néanmoins décrits avec la philosophie naturelle aristotélicienne. La théologie s’adapte donc à la science, mais en renouvelant cette dernière : en englobant le cas des cieux « atypiques », la théorie de l’influence céleste en ressort profondément modifiée. Il s’agit d’une clé pour comprendre l’innovation du savoir scientifique médiéval et, peut-être, pour penser les évolutions scientifiques ultérieures.
Ce livre est la version retravaillée d’une thèse de doctorat distinguée par deux prix : le prix Daniel et Michel Dezès (décerné par le Comité français des sciences historiques sous l’égide de la Fondation de France) et le prix de la Société française d’histoire des sciences et des techniques (SFHST). En 2024, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres décerne la Médaille Jeanbernat Barthélemy de Ferrari Doria à Maria Sorokina pour cet ouvrage.
Maria Sorokina (docteur, Université Paris-Est, 2017 ; chercheuse postdoctorale, De Wulf-Mansion Centre, KU Leuven) est une historienne des sciences médiévales ; ses recherches portent, en particulier, sur le problème des rapports entre science et foi.